« Un peuple qui élit des corrompus, des renégats, des imposteurs, des voleurs et des traîtres n’est pas victime ! Il est complice ». Georges Orwell


samedi 30 mai 2015

Les Nordiques et la souveraineté

Michel David
Le Devoir


Au printemps 1995, le hasard m’avait conduit dans la salle d’attente d’un studio de télévision où se trouvait également Jean Campeau, alors ministre des Finances dans le gouvernement Parizeau. Au détour de la conversation, je lui avais soumis que laisser partir les Nordiques à la veille du référendum risquait de nuire aux chances du Oui à Québec.

Non seulement les partisans des Nordiques en voudraient au gouvernement, mais leur départ risquait aussi de créer un climat défaitiste peu propice aux décisions audacieuses comme celle de quitter le Canada. M. Campeau m’avait gentiment fait comprendre qu’il tenait mes propos pour de la pure foutaise. Quel rapport pouvait-il y avoir entre une cause aussi noble que l’indépendance et un loisir aussi trivial que le hockey, n’est-ce pas ?

Cette semaine, François Legault a renversé l’équation. À l’en croire, c’est maintenant le désir d’indépendance de leur éventuel propriétaire qui nuirait au retour des Nordiques. Les bonzes fédéralistes de la LNH, plus particulièrement les propriétaires des Maple Leafs de Toronto et du Canadien de Montréal, ne voudraient pas d’un mouton noir séparatiste comme Pierre Karl Péladeau dans leurs rangs.

La tenue de deux élections partielles dans des circonscriptions de Québec le 8 juin prochain n’est évidemment pas étrangère à cette intervention. Les chances de la CAQ dans Jean-Talon sont nulles, mais une défaite dans Chauveau, où Gérard Deltell l’avait remporté haut la main à la dernière élection générale, serait désastreuse.

M. Legault n’est cependant pas le seul à penser que les ambitions politiques de M. Péladeau sont devenues un obstacle au retour des Nordiques. Le ministre responsable de la région, Sam Hamad, qui doit en faire la promotion, n’a pas voulu en rajouter, mais il s’est bien gardé de le contredire.

Bien entendu, le Canadien s’est aussitôt dissocié des « suppositions » du chef caquiste, rappelant que son propriétaire, Geoff Molson, a exprimé à plusieurs reprises son désir de voir une concession de la LNH revenir à Québec. Il ne peut évidemment pas s’y opposer publiquement, mais pourquoi le Canadien voudrait-il partager un marché dont il a actuellement le monopole ?


Le député péquiste de Matane-Matapédia, Pascal Bérubé, a fait valoir que la présence d’un gouvernement souverainiste, qui avait promis la tenue d’un référendum, n’avait pas empêché l’entrée des Nordiques dans la LNH en 1979. S’il était un libéral notoire, Marcel Aubut ne menait cependant pas une carrière politique en parallèle. Le problème n’est peut-être pas tant que M. Péladeau est souverainiste, mais qu’il est maintenant un politicien. Ce mélange des genres est généralement peu apprécié dans le milieu des affaires.

Le maire Labeaume a parfaitement raison de dire que la priorité de la LNH est l’argent. Le principal problème est précisément que Québec n’est pas l’endroit où il y en a le plus, même si tout le monde reconnaît que c’est une formidable ville de hockey. Certes, l’imposition d’un plafond salarial a changé la donne, mais Québec demeure un petit marché à l’échelle de la LNH.

Pour l’emporter sur des villes qui offrent un meilleur potentiel, Québecor devra trouver des alliés convaincants parmi les autres propriétaires de clubs. S’ils ne veulent pas d’un collègue politicien, ils n’auront même bas besoin d’imposer leur veto à la candidature de Québec, il leur suffira de laisser libre cours aux lois du marché.


Il reste que le retour des Nordiques serait une excellente nouvelle pour le PQ et le mouvement souverainiste en général. Depuis 2003, Québec est une véritable terre de Caïn pour le PQ. Seule Agnès Maltais arrive à se maintenir dans Taschereau. Si son chef ramenait le hockey professionnel dans la capitale, il ne fait pas de doute que plusieurs lui en seraient reconnaissants.

M. Péladeau s’est donné pour mission de faire la démonstration qu’un Québec indépendant serait non seulement viable, mais qu’il serait même plus prospère qu’il ne l’est présentement. La fierté est cependant un autre élément indispensable à la réussite du projet souverainiste. Les Québécois étaient fiers de leur équipe de hockey, même dans les années difficiles. Elle était en quelque sorte la preuve qu’eux aussi pouvaient jouer dans les ligues majeures, comme le Québec aurait sa place dans le concert des nations.

Partout dans le monde, le sport est un puissant vecteur du nationalisme. Bien sûr, le Canadien demeurera toujours auréolé de sa longue et glorieuse tradition, mais un club de hockey drapé dans le fleurdelisé, qui ferait sans doute un effort particulier pour recruter des joueurs francophones, n’en constituerait pas moins un puissant symbole. D’ailleurs, François Legault l’a bien dit : il serait le premier à applaudir le retour des Nordiques.

vendredi 22 mai 2015

Entretien avec Alain de Benoist

« « Vu du Kremlin, la France n’a plus de politique étrangère… »

Plusieurs vidéos tournent actuellement en boucle sur Internet. L’une du général Wesley Clark, ancien patron de l’OTAN, l’autre de George Friedman, président de Stratfor, une société privée de renseignement basée au Texas et notoirement liée à la CIA. Le premier est bouleversé par le cynisme de la Maison-Blanche, l’autre le revendique fièrement. Difficile dans ces conditions de savoir quelle politique les États-Unis entendent mener en Europe…
Elle a pourtant le mérite de n’avoir jamais changé. Depuis 1945, l’objectif des États-Unis est de favoriser l’Europe-marché au détriment d’une Europe-puissance qui pourrait devenir leur rivale. À cela s’ajoute, depuis la dislocation du système soviétique, un autre objectif vital : empêcher l’Europe occidentale d’établir un partenariat avec la Russie. George Friedman l’a rappelé après Brzezinski : en tant que grande Puissance de la Mer, l’intérêt primordial des États-Unis est d’empêcher l’unification de la grande Puissance de la Terre, c’est-à-dire de l’ensemble géopolitique eurasiatique. Les USA contrôlent tous les océans du monde, ce qu’aucune puissance du monde n’avait fait avant eux (« Maintenir le contrôle de la mer et le contrôle de l’espace est la base de notre pouvoir »), mais ils n’ont pas la capacité d’occuper l’Eurasie. Ils doivent donc diviser pour régner.
Dans un premier temps, ils ont suscité en Europe de l’Est toute une série de « révolutions colorées » à la faveur desquelles ils ont tenté d’étendre l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie. Aujourd’hui, ils cherchent à  créer un “cordon sanitaire” tourné contre Moscou, coupant l’Europe en deux depuis la Baltique jusqu’à la mer Noire. Ce projet de “zone-tampon” a le soutien des États baltes, de la Pologne, de l’Ukraine et de la Bulgarie, mais se heurte aux réticences ou à l’opposition de la Hongrie, de la Serbie et de l’Autriche. L’instrumentalisation du coup d’État intervenu à Kiev en février 2014 entre évidemment dans ce cadre, tout comme l’actuelle tentative albano-islamo-mafieuse de déstabilisation de la Macédoine, qui vise à mettre en échec le projet « Turkish Stream », déjà approuvé par le nouveau gouvernement grec, qui permettrait aux Russes d’acheminer leur gaz vers l’Europe occidentale sans avoir à passer par l’Ukraine.
C’est également dans cette optique qu’il faut situer le projet de Traité transatlantique, dont le but principal est de diluer la construction européenne dans un vaste ensemble inter-océanique sans aucun soubassement géopolitique, de faire de l’Europe de l’Ouest l’arrière-cour des États-Unis et d’enlever aux nations européennes la maîtrise de leurs échanges commerciaux au bénéfice de multinationales largement contrôlées par les élites financières américaines.
La grande inconnue, c’est l’Allemagne. La plus grande hantise des Américains est l’alliance de la technologie et du capital allemands avec la main-d’œuvre et les ressources naturelles russes. « Unies, dit Friedman, l’Allemagne et la Russie représentent la seule force qui pourrait nous menacer, et nous devons nous assurer que cela n’arrive pas ». Pour l’heure, l’Allemagne semble s’incliner devant les diktats de Washington. Mais qu’en sera-t-il demain ?
Au Proche-Orient, les choses se sont tellement compliquées depuis quelques mois que beaucoup de gens n’y comprennent plus rien. Là encore, quel est le jeu des Américains ?
Les États-Unis ont de longue date mis en œuvre au Proche-Orient une « stratégie du chaos », visant à abattre les régimes laïcs au bénéfice des mouvements islamistes, afin de démanteler des appareils étatico-militaires qu’ils ne pouvaient contrôler, puis à remodeler toute la région selon des plans arrêtés bien avant les attentats du 11 Septembre. L’État islamique (« Daesh ») a ainsi été créé par les Américains, dans le cadre de l’invasion de l’Irak, puis s’est retourné contre eux. Les USA ont alors commencé à se rapprocher de l’Iran, ce qui a suscité l’inquiétude des monarchies du Golfe qui redoutent par-dessus tout l’influence régionale de Téhéran (d’où l’opération actuellement menée au Yémen contre les rebelles chiites). On a donc aujourd’hui trois guerres en une seule : une guerre suicidaire contre la Syrie, dans laquelle les Occidentaux sont les alliés de fait des djihadistes, une guerre des Américains contre l’État islamique, et une guerre des dictatures du Golfe et de la Turquie contre l’axe Beyrouth-Damas-Téhéran-, avec la Russie en arrière-plan.
Et la France, dans tout ça ?
Elle ne compte plus pour grand-chose. Elle se réclame de la laïcité, mais privilégie ses relations avec les pétromonarchies les plus obscurantistes. Concernant les migrants qui affluent par milliers depuis la Méditerranée – fuyant, non pas la misère ou la dictature, comme on le répète ici et là, mais la guerre civile et le chaos que les Occidentaux ont apportés chez eux –, elle se soucie plus de les empêcher de se noyer que de ne pas faire naufrage elle-même, plus de la façon de les accueillir que de les empêcher d’entrer. Les Allemands la regardent désormais de haut, les Espagnols et les Italiens n’en attendent plus rien, et les Anglais continuent à considérer le French bashing comme un sport national.
Quant au Kremlin, il ne se fait plus d’illusions : la France ne peut plus avoir de politique étrangère digne de ce nom, puisqu’elle s’est aujourd’hui couchée devant les Américains. En témoignent de manière éloquente le refus de la France de livrer aux Russes les navires « Mistral » que ceux-ci avaient déjà payés, et le scandaleux boycott des cérémonies qui se sont déroulées à Moscou pour le 70e anniversaire de la défaite du Troisième Reich. De ce point de vue, la continuité de Sarkozy à Hollande est parfaite. L’UMP va devenir « les Républicains », tandis que le PS n’est déjà plus qu’un « parti démocrate » à l’américaine. Il n’y a plus qu’à rebaptiser « Maison blanche » le palais de l’Elysée, et tout sera parfaitement clair !
Boulevard Voltaire

mercredi 20 mai 2015

Un homme de gauche

Andrée Ferretti
lundi 11 mai

Contrairement à l’opinion générale, pour ne pas dire unanime, je pense que Pierre-Karl Péladeau est un homme de gauche. Je lui donne mon appui également pour cette raison, même si je pense que l’indépendance est devenue si nécessaire et urgente, que sa réalisation constitue l’objectif primordial à atteindre, indépendamment de toutes autres considérations.

Aujourd’hui, être de gauche, c’est essentiellement résister à la mondialisation du capitalisme sauvage qui envahit la planète en détruisant sur son passage les fondements de l’État national au sein duquel naît, se développe et s’épanouit chaque culture nationale ; au sein duquel naissent, fleurissent et prospèrent les entreprises nationales à vocations sociales et économiques.

Être de gauche, aujourd’hui, c’est d’être capable de repérer la logique du développement actuel des sociétés, d’en déceler les enjeux fondamentaux et d’élaborer des stratégies capables de la mettre en échec.

L’une d’elles, parmi les plus efficaces, consiste à protéger les entreprises nationales de développement économique contre l’emprise des grands consortiums multinationaux.
En défendant les intérêts de Québécor, Pierre-Karl Péladeau participe objectivement aux efforts actuellement déployés dans le monde contre les visées des entreprises oligopoles qui ne peuvent fonctionner avec profit que dans un monde uniformisé. Elles se bâtissent en imposant partout et en même temps les mêmes besoins, en inculquant les mêmes goûts, en développant les mêmes compétences, en répandant les mêmes idées et en promouvant les mêmes valeurs. Il s’agit pour elles de détruire le potentiel productif de chaque société qui tient à l’originalité de sa culture, à sa manière spécifique d’attribuer utilité et signification aux objets.

En protégeant les intérêts de Québécor, Pierre-Karl Péladeau élève à l’échelle de la société québécoise une barrière à la mondialisation dont l’objectif ultime est la destruction des États nationaux. Dans sa lutte pour protéger son entreprise, il a en effet rencontré un ennemi qui visait beaucoup plus gros que l’appropriation de celle-ci, qui visait rien de moins que la destruction de l’État québécois, en le mettant entre les mains du gouvernement libertarien des Couillard, Coiteux, Leitao et cie.

Pierre-Karl Péladeau a alors décidé de se porter au secours de la nation québécoise, sa nation qu’il aime depuis avant même sa naissance, cet amour faisant partie de ses gènes.

Être de gauche aujourd’hui, c’est avant tout s’engager par amour dans la lutte pour l’indépendance du Québec, afin de donner naissance à un pays souverain qui se joint à ceux toujours plus nombreux qui s’opposent à l’uniformisation létale de la mondialisation, pour réussir à changer l’actuel mauvais cours du monde.