« Un peuple qui élit des corrompus, des renégats, des imposteurs, des voleurs et des traîtres n’est pas victime ! Il est complice ». Georges Orwell


samedi 6 décembre 2014

Trudeau et Péladeau, la manière «people»



À gauche: Ryan Remiorz La Presse canadienne
Justin Trudeau et sa famille, dont sa mère, dans sa circonscription montréalaise

À droite: Graham Hughes La Presse canadienne
Pierre Karl Péladeau lors du lancement de sa campagne pour la présidence du PQ
Guillaume Bourgault-Côté
Le Devoir

Ils sont perçus comme les sauveurs de leur parti. Leurs pères étaient célèbres. Ils sont nés avec une cuillère d’argent — voire d’or — dans la bouche. Ils ont l’aura des rock stars et leur vie familiale fascine les magazines à potins. Deux politiciens atypiques, un phénomène : coup d’oeil sur ce qui unit — et différencie — Justin Trudeau et Pierre Karl Péladeau.

Le contraste ne pouvait être plus frappant. Dimanche matin, dans Rosemont, les candidats péquistes Jean-François Lisée et Pierre Céré débattaient devant une quarantaine de personnes dans un anonymat médiatique complet. Tout à l’opposé, quelques heures plus tard, Pierre Karl Péladeau était accueilli par une foule en liesse et un mur de caméras à Saint-Jérôme.  

Les événements étaient évidemment différents et difficilement comparables. Une assemblée de circonscription d’un côté, un lancement officiel de campagne de l’autre. Soit. Mais l’accueil réservé à Pierre Karl Péladeau illustrait néanmoins de manière éclatante l’avance écrasante que les sondages lui donnent dans la course à la chefferie du Parti québécois. Et il prouvait aussi par le nombre qu’il dispose d’un réseau de partisans nombreux — il a récolté 5000 signatures en quatre jours partout au Québec — et visiblement enthousiastes.

Ainsi les partisans de M. Péladeau se pressaient-ils pour lui serrer la main ou prendre une photo furtive du candidat et de sa conjointe, l’animatrice Julie Snyder. Un type de scène — et d’attrait — qu’on voit rarement en politique québécoise ou canadienne… sauf autour du chef libéral fédéral, Justin Trudeau. Dans les deux cas, le buzz excède largement la normalité des choses.

Si les deux politiciens se situent aux antipodes sur la question nationale, leurs parcours respectifs ne manquent pas de similitudes. Justin Trudeau doit une immense partie de sa notoriété à la carrière de son père. Pierre Karl Péladeau aussi, même s’il a passablement transformé la compagnie dont il a hérité. Chacun a une conjointe qui a fait sa marque à la télévision — à un niveau de popularité fort différent, mais quand même. Les deux sont millionnaires — quelques centaines de fois dans le cas de M. Péladeau —, manquent d’expérience politique, se font reprocher un certain flou dans les politiques, sont vus comme des sauveurs potentiels pour des partis qui se remettent d’une sévère défaite… Péladeau et Trudeau, même combat ?

Nouvelle incarnation

Il y a en effet beaucoup de ressemblances entre les deux, pense Thierry Giasson, chercheur principal au Groupe de recherche en communication politique de l’Université Laval. Il voit dans le duo Trudeau-Péladeau la représentation d’un phénomène qui excède les deux politiciens. « On a dans le monde de plus en plus d’exemples de politiciens qui viennent de la société civile, du monde du divertissement ou du spectacle, qui mettent en avant leur famille, viennent de milieux aisés, sont très connus avant même d’arriver en politique… On sent à travers leur popularité un engouement de la population pour des politiciens qui viennent d’autres filières que les milieux traditionnels », dit-il.

Pour M. Giasson, ce sont des « gens qui incarnent quelque chose d’autre, une nouvelle vision, une nouvelle offre de la politique. Et ils sont portés par un certain standing social. »

Le professeur souligne que le côté glamour de MM. Trudeau et Péladeau « fait d’eux des acteurs de la culture populaire de masse. Ça leur donne d’emblée un capital de notoriété, de reconnaissance visuelle dont ne profiteront jamais leurs adversaires ».

Et ils s’en servent. « Pierre Karl Péladeau est partout dans les médias depuis une quinzaine d’années, dit-il. Quand on parle de TVA, on parle d’un média de masse largement consommé, pas de culture d’élite. Toute sa vie professionnelle et personnelle — avec une conjointe qui est une superstar — est mise en avant. Ils n’ont pas peur de se mettre en scène, de raconter leur vie intime [M. Péladeau a parlé du psychanalyste de leur couple quand il a annoncé son entrée en politique en avril], leurs problèmes de fertilité, de se montrer en public. La même chose est vraie pour M. Trudeau, que l’on voit souvent avec sa femme et ses enfants [il raconte en détail dans son autobiographie comment il a séduit sa femme]. Cette aura bien entretenue permet aux gens de reconnaître le candidat plus rapidement et de le considérer différemment des autres politiciens. »

Des pères différents

Mais là s’arrêtent les comparaisons, pense Réjean Pelletier, professeur retraité de sciences politiques à l’Université Laval. S’il voit lui aussi des similitudes entre Justin Trudeau et Pierre Karl Péladeau, M. Pelletier note surtout plusieurs différences entre les deux. « Quelque part, ils sont très différents de leurs pères respectifs : Trudeau était un grand intellectuel qui aimait la confrontation, son fils semble à l’opposé de ça. Péladeau père était un entrepreneur plutôt conciliant, qui aimait discuter avec les gens, alors que son fils donne l’impression du contraire, ayant multiplié les affrontements avec ses adversaires. Les traits de caractère de Justin Trudeau et de Pierre Karl Péladeau me semblent très différents. »

Surtout que, si « M. Trudeau a vraiment profité du nom de son père, on ne peut nier que Pierre Karl Péladeau arrive avec sa propre réputation et un parcours nettement plus étoffé ». Dans les deux cas, toutefois, M. Pelletier signale « un manque d’expérience politique qui saute aux yeux ».

« Ils n’ont pas fait leurs classes, dit aussi Anne-Marie Gingras, qui enseigne la communication politique à l’UQAM. M. Péladeau multiplie les gaffes depuis qu’il a été élu député. Les gens semblent oublier qu’une personne qui a démontré des qualités dans un métier n’en aura pas nécessairement pour la politique. Personnellement, ça m’inquiète de voir qu’on peut s’enthousiasmer pour des personnages qui n’ont pas fait leurs marques sur le plan de l’intérêt public. »

Mais voilà : le côté people qu’ils ont à offrir a l’avantage de mettre en arrière-plan le discours sur les compétences politiques, note Thierry Giasson. « Plus on parle de Pierre Karl Péladeau la personne, moins on parle de son manque d’expérience politique, des conflits d’intérêts ou des lockouts », relève-t-il. Même chose pour Justin Trudeau. C’est là, en quelque sorte, un autre privilège des gens riches et célèbres, suggère-t-il.

mercredi 26 novembre 2014

Enweille à maison

@Photo: Anonyme

Francine Pelletier
Le Devoir

Les changements proposés en matière de frais de garde sont pratiquement insignifiants en comparaison au tsunami qui se prépare dans le domaine de la santé. Pourtant, c’est l’annonce de la hausse des tarifs dans les CPE qui ébranle les colonnes du temple. On joue ici avec un service qui implique l’avenir même du Québec : les femmes et les enfants. On n’y joue donc pas impunément. Bien que moins fortes que prévu, les hausses pourraient avoir un impact sur la natalité, plus assurément sur le nombre de femmes au travail. Enfin, c’est ici que les partisans de chaque côté de la clôture (la « juste part » c. le « pacte social ») se mettent à calculer fiévreusement.

Je loge de ce côté-ci du Grand Canyon (par ici, les pelleteux de nuages) et trouveles chiffres de l’économiste Pierre Fortin assez convaincants merci : 70 000 nouvelles travailleuses en 2008 seulement grâce aux garderies subventionnées. Le blogue de Gérald Fillion n’est pas mal non plus. Il démontre le retard que les Québécoises accusent sur le marché du travail par rapport aux femmes du Canada et de l’Ontario en 1995, leur rattrapage à partir de 1998, un an après l’instauration des garderies à 5 $, et ensuite la nette prédominance des Québécoises pour les 10 années suivantes. La courbe est impressionnante.

Mais que répondre à quelqu’un qui lance : « Un paquet de cigarettes coûte combien déjà ? Ah, oui, 9,39 $. » En d’autres mots, une augmentation quotidienne des frais de garde d’au plus 7 $ par jour c’est des pinottes au grand bal des consommateurs qui, en passant, ont toujours l’intention de se rendre en République dominicaine cet hiver. À cet égard, ceux qui prétendent qu’il est normal de payer davantage pour un programme qui coûte de plus en plus cher auront toujours un peu raison. Sauf que la question importante, pour les CPE comme d’ailleurs pour la hausse des droits de scolarité, ce n’est pas ce que ça coûte (aux individus), mais bien ce que ça vaut (pour la collectivité). Il est inutile de calculer la dépense des parents sans d’abord tenir compte du fameux enrichissement collectif.

L’arrivée des femmes sur le marché du travail est incontestablement le changement social le plus important depuis la révolution industrielle. Le temps dira si la révolution numérique finira par avoir des répercussions plus vastes encore, mais pour l’instant, à titre de grand bouleversement, rien ne bat la féminisation du travail — qui est aussi celle de l’éducation et, tranquillement pas vite, du pouvoir. Seulement, mis à part la pilule contraceptive, les garderies et les congés parentaux, rien n’a été fait pour accommoder cette vaste réorganisation sociale. On n’a pas repensé l’organisation du travail, les horaires ou même les toilettes. On n’a pas incité les hommes à la retraite pour faire place à la relève féminine. On n’a même pas insisté sur un changement d’attitude au sein des grandes institutions (Parlement, médias…), comme on a pu le voir récemment. N’eût été la politique familiale de Pauline Marois en 1997, les femmes du Québec, comme ailleurs en Amérique du Nord, n’auraient eu que leurs propres envie et/ou besoin de travailler pour les aider à s’intégrer au marché du travail. Or, elles ont pété des scores à cause justement de l’aide gouvernementale.

Cette réalité-là est immensément plus importante que le paquet de cigarettes dont on devra se passer pour faire garder ses enfants. De la même façon que c’est la société tout entière qui s’enrichit lorsque de plus en plus de jeunes poursuivent leurs études, tout le monde gagne lorsque les femmes ont accès au marché du travail. Financièrement, d’abord. Selon les calculs de Pierre Fortin, les impôts payés par les 70 000 nouvelles travailleuses en 2008 (1,7 milliard) excédaient les coûts du programme de garderies (1,65 milliard). Mais là encore, la valeur

Il y a une autre raison pour laquelle la règle de l’utilisateur-payeur ne tient pas la route.

C’est la supercherie implicite dans le fait de demander aux parents de payer davantage alors que les banques, les grosses entreprises, les multinationales, elles, ne paient pas leur juste partC’est l’absurdité de payer une vieille routière libérale 1100 $ par jour pour diriger une commission de « dégraissage » du gouvernement alors que ses compétences et son travail laissent à désirer.

Tout le monde est convaincu de l’utilité de faire du ménage dans les affaires de l’État. Mais encore faut-il qu’on passe le balai partout, sans oublier que l’émancipation de tout un chacun est le but ultime de tout gouvernement. Frottez dans les coins, c’est bien, mais en gardant la tête haute, c’est mieux.


jeudi 13 novembre 2014

Paradis fiscaux: qu’attend le Canada pour agir?



Louise Chabot - Respectivement présidente de la CSQ et président de la FTQ. Quinze autres personnes ont signé cette lettre*.  
Daniel Boyer

Lettre ouverte au ministre fédéral des Finances, Joe Oliver
Monsieur le Ministre,

Pendant que les budgets d’austérité se succèdent à Ottawa comme dans bien des provinces et que les gouvernements multiplient les compressions dans les services publics, les sommes qui échappent au fisc chaque année sont, elles, en constante augmentation. Ainsi, l’investissement direct à l’étranger des Canadiens dans les paradis fiscaux a connu une croissance démesurée de 1500 % en 13 ans.

Le phénomène des paradis fiscaux nous force aujourd’hui à l’action politique rapide et déterminée. L’ampleur du problème est incontestable : selon Statistique Canada, en 2013, 170 milliards de dollars d’investissements directs à l’étranger étaient placés dans des paradis fiscaux ; parmi lesquels la Barbade, qui regorge si abondamment de capitaux canadiens qu’elle est aujourd’hui le troisième partenaire financier du Canada à l’échelle internationale. Selon la Banque des règlements internationaux (BRI), 50 % des transactions financières mondiales concernent des comptes extraterritoriaux localisés dans des paradis fiscaux. L’économiste James Henry a estimé qu’entre 21 000 et 32 000 milliards de dollars étaient placés dans des paradis fiscaux à l’échelle mondiale en 2010.

L’accès à ces échappatoires fiscales n’est pas généralisé. Ces législations de complaisance sont réservées à une certaine élite économique constituée de banques, de grandes entreprises multinationales et de détenteurs de fortunes personnelles. Les contribuables et les petites et moyennes entreprises (PME) doivent ainsi assumer un fardeau fiscal de plus en plus grand pour financer des services de moins en moins nombreux. Lorsque les citoyens et les groupes concernés se plaignent de cette injustice fiscale, les gouvernements leur répondent qu’ils sont menottés par le contexte international, que l’interdépendance économique qui caractérise notre monde globalisé limite l’action d’un État comme le Canada.

« Arrière-gardiste »

Non seulement ces explications fatalistes empêchent-elles les gouvernements de lutter sérieusement contre l’évasion fiscale, mais de plus, elles contribuent à accentuer le problème en servant de justification pour la mise en place d’une fiscalité sans cesse plus accommodante pour les grands investisseurs internationaux sous prétexte de les inciter à garder ici leurs capitaux. On réduit l’impôt des grandes entreprises, on réduit l’imposition sur les gains en capital, on élimine la taxe sur le capital, on exonère d’impôt certaines entreprises d’exportation et on signe même un nombre grandissant de conventions avec des paradis fiscaux. Ces conventions fiscales et accords d’échange de renseignements fiscaux (AERF) signés avec des paradis fiscaux permettent aux Canadiens de rapatrier des capitaux de leurs comptes extraterritoriaux sans qu’ils y soient imposés.

Pourtant, alors qu’une mouvance internationale se constitue autour de cette question, nous sommes surpris de voir que le Canada est pratiquement absent du dialogue multilatéral. Certains qualifient même la présence internationale canadienne dans le combat contre l’évasion fiscale « d’arrière-gardiste », ce qui est pour le moins gênant.

Ne désirant plus attendre qu’une réponse toute faite nous soit livrée par la communauté internationale, nous désirons que le Canada s’engage activement dans la lutte contre l’évasion et l’évitement fiscal international. Le collectif Échec aux paradis fiscaux a récemment publié un rapport proposant sept solutions concrètes que le gouvernement fédéral pourrait appliquer dès aujourd’hui. Elles proposent en substance au gouvernement d’imposer des pénalités aux auteurs de déclarations volontaires, de prendre part activement à la lutte internationale contre les paradis fiscaux qui existe bel et bien et à abroger ses propres mesures lorsqu’elles favorisent les paradis fiscaux. En termes plus techniques :

Modifier les régimes de divulgation volontaire pour y prévoir des pénalités aujourd’hui inexistantes en s’inspirant des programmes états-uniens Offshore Voluntary Disclosure Initiative (OVDI) et Stream Line Program ;

Participer aux accords multilatéraux d’échange automatique de renseignements fiscaux ;

Retirer l’avantage fiscal prévu aux accords d’échange de renseignements fiscaux ;

Revoir certaines conventions fiscales ;

Modifier la définition de « pays désigné » au paragraphe 5907 (11) des Règlements de l’impôt sur le revenu ;

Supprimer les fiducies de revenu non imposables ;

Joindre l’initiative Base Erosion and Profit Shifting (BEPS) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Ces recommandations, qui sont davantage détaillées dans le rapport « Paradis fiscaux : des solutions à notre portée », sont réalistes et sensées.

Nous vous demandons d’étudier avec soin ces recommandations et de les appliquer. Nous faisons appel à votre sens de la justice et de l’équité. Le Canada doit maintenant agir et s’attaquer sérieusement à ce fléau généralisé.
* Carolle Dubé, présidente, Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS); Claude Vaillancourt, président, ATTAC-Québec; François Vaudreuil, président, Centrale des syndicats démocratiques (CSD); Louise Chabot, présidente, Centrale des syndicats du Québec (CSQ); Daniel Boyer, président, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ); Alexis Tremblay, président, Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ); Jonathan Bouchard, président, Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ); Line Larocque, première vice-présidente, Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ); Lucie Martineau, présidente générale, Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) et porte-parole du Secrétariat intersyndical des services publics (SISP); Élisabeth Gibeau, analyste politiques sociales et fiscales, Union des consommateurs; Yan Grenier, président du c.a., Les AmiEs de la Terre de Québec; Alain Deneault, chercheur, Réseau pour la justice fiscale/Québec; Dominique Daigneault, présidente, Conseil central du Montréal métropolitain CSN (CCMM-CSN); Kim De Baene, co-porte-parole, Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics; Alain Marois, vice-président à la vie politique, Fédération autonome de l’enseignement (FAE); François Saillant, coordonnateur, Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU); Dominique Peschard, président, Ligue des droits et libertés

Source: Le Devoir

mercredi 29 octobre 2014

Les autruches



Jacques Lanctôt
fr.canoe.ca

Il faut avoir un certain culot ou avoir la mémoire courte, voire aucune mémoire, pour affirmer comme l’a fait le chroniqueur de La Presse Pierre-Yves McSween, que « le Parti québécois joue à l’autruche en tentant de marginaliser la réflexion de Jean-François Lisée ». Plus loin, il affirme, comme pour prouver le conflit d’intérêt qu’il pourrait y avoir : « D’ailleurs, le jour de l’annonce du financement public de l’amphithéâtre, un journaliste de Québecor me disait « on ne crache pas sur la main qui nous nourrit ».

À la rigueur, je pourrais qualifier cela de ragot de salle de rédaction et m’inventer, moi aussi, un journaliste de Gesca qui m’aurait affirmé la même chose, à l’occasion de commenter la parution du livre de Robin Philpot, Derrière l’État Desmarais : Power, paru une première fois en 2008 puis réédité dernièrement et qu’il venait de recevoir en service de presse. « On ne crache pas sur la main qui nous nourrit. »

Mais pourquoi inventer des faits quand ils existent réellement. Il y a vingt ans, en février 1994, le chroniqueur de La Presse, André Pratte, avait été démis de ses fonctions à la suite d’une chronique, Tout est pourri, qu’il avait publiée dans le journal où il travaillait et dans lequel il mettait en cause son patron, Power Corporation, le propriétaire de La Presse.

Étant donné les liens qui unissaient le père de Pratte à Paul Desmarais - il a siégé aux conseils d’administration de Power corp. et de la Financière Power -, sa suspension avait été vite levée et le chroniqueur avait pu réintégrer son poste quelques jours plus tard. Même le syndicat des journalistes de La Presse avait dénoncé cette mesure et crié à l’ingérence et à la censure. Monsieur McSween joue-t-il à l’autruche en faisant mine d’oublier cette épée de Damoclès qui est suspendue au-dessus de la tête des journalistes de La Presse ?

Mais il y a plus, et le chroniqueur du Devoir, Michel David, semble, lui aussi, victime d’un profond trou de mémoire. Dans une chronique récente, David accuse le Parti québécois de jouer à l’autruche et d’être aveuglé par la possibilité de voir un candidat comme PKP accéder à la direction du PQ et de redonner vie à l’idée d’indépendance. Et il se questionne béatement : « Si un des frères Desmarais envisageait de devenir chef du PLQ sans se départir de ses intérêts dans Power Corporation, ils [les péquistes] se déchaîneraient ».

Est-il besoin de rappeler que l’actionnaire de contrôle de La Presse, la famille Desmarais, qui a passé des ententes secrètes avec Radio-Canada (jamais dévoilées malgré l’insistance de Québecor pour qu’elles soient rendues publiques), n’a pas besoin de se présenter à la direction du PLQ pour le diriger et imposer ses volontés. Elle tire les ficelles dans les coulisses, sans avoir de compte à rendre à qui que ce soit, et encore moins à la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). Cela est largement documenté dans plusieurs ouvrages ou de nombreuses publications. Il suffit de taper Power ou Desmarais sur Google pour s’en rendre compte.

Paul Desmarais a déjà admis qu’il avait pris le contrôle de La Presse pour empêcher l’indépendance du Québec et bloquer la gauche et les syndicats qui contrôleraient le PQ, selon lui. Il a aussi avoué qu’il ne pouvait se permettre de le faire avec Le Devoir, qui était malheureusement contrôlé par une fondation et qui était un repère de gauchistes et de séparatistes. Un ambassadeur des États-Unis au Canada, David Jacobson, a même admis que l’influence de Power Corporation sur les milieux politiques québécois et fédéral est indéniable.

Le clan Desmarais a étendu son influence jusqu’en France, en prenant en charge Nicolas Sarkozy, alors président de la France, pour qu’il supprime tout appui à un éventuel Québec indépendant. C’est à cause de Desmarais que la France, du temps de Sarkozy, a abandonné la politique traditionnelle de « ni ingérence ni indifférence ».

Voici ce que disait le journaliste Alec Castonguay de Paul Desmarais dans L’actualité du 9 octobre 2013 : « Qu’il le fasse pour lui, pour son entreprise, ou pour ce qu’il juge être « le bien du pays », Paul Desmarais avait une influence politique certaine. Il pouvait passer un coup de fil à un premier ministre ou un ministre sans difficulté.

Rares sont les citoyens qui ont cet accès pour se faire entendre et exprimer leur point de vue. » Qu’est-ce qu’on attend pour alerter le commissaire à l’éthique afin qu’il ouvre une enquête en profondeur sur le PLQ et ses dirigeants ? Le commissaire à l’éthique jouerait-il, lui aussi, à l’autruche ?

Source: fr.canoe.ca  via Vigile.net

vendredi 24 octobre 2014

La démocratie canadienne pourrait devenir une illusion


GLENN GREENWALD AU DEVOIR

Photo: Annik MH De Carufel Le DevoirLe journaliste américain Glenn Greenwald

Les « loups solitaires », ces tueurs isolés qui ont déversé leur haine, cette semaine, à Saint-Jean-sur-Richelieu et à Ottawa, n’ont pas seulement fait trembler la démocratie canadienne. Ils ont également mis en lumière l’inefficacité de la surveillance massive des citoyens par les agences gouvernementales du Canada qui, en tenant désormais pour suspect potentiel tout le monde, sans distinction, finissent par ne plus pouvoir détecter convenablement les véritables éléments à risque, estime le journaliste américain Glenn Greenwald.

« Le Canada doit mettre fin à ses programmes de surveillance de masse de ses citoyens pour se concentrer sur les menaces réelles », a indiqué jeudi matin lors d’une entrevue accordée au Devoir l’homme par qui les révélations-chocs de l’ex-analyste de la National Security Agency (NSA), Edward Snowden, sont passées. Glenn Greenwald est à Montréal cette semaine à l’invitation de l’Université McGill où, jeudi soir, il a décrypté les dérives liberticides dans nos sociétés à l’ère de la peur et de la socialisation en format numérique dans le cadre de la Conférence annuelle Beaverbrook 2014. « La surveillance de masse, telle que menée actuellement par les États-Unis et ses alliés, dont le Canada fait partie, nuit désormais à la capacité des gouvernements à détecter clairement les citoyens à risque. Et nous venons, encore une fois et tristement, d’en avoir deux nouvelles preuves au Canada cette semaine. »

Fin observateur de l’avènement des États de surveillance, à l’ère du tout numérique, Glenn Greenwald pose un regard sévère sur le Canada et son gouvernement actuel qui, selon lui, méthodiquement, est en train d’attiser un climat de peur pour mieux y opposer des mesures et des politiques qui menacent à court terme les fondements de la démocratie canadienne. « L’idée d’une collecte massive d’information sur les citoyens, sans limites et sans tenir compte de la présomption d’innocence, n’est pas un concept uniquement américain, dit-il. C’est une idée qui vient surtout du projet Five Eyes [cette alliance internationale d’espions dont le Canada fait partie, avec les États-Unis, l’Australie, le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande], dans lequel Ottawa est très actif. C’est aussi une chose fondamentalement illégitime. »

Documents secrets

Les documents secrets d’Edward Snowden qui exposent les grandes et petites lignes des programmes de surveillance PRISM ou XKeyscore, et que Greenwald a contribué à répandre dans l’espace public, entre mai et octobre 2013, alors qu’il bossait pour le quotidien britannique The Guardian, en font d’ailleurs à plusieurs endroits la démonstration, selon lui. Comment ? En indiquant que tous ces programmes de contrôle et de surveillance des communications et de la socialisation en format numérique ont été implantés dans les dernières années aux États-Unis, tout comme au Canada, loin des instances démocratiques qui, avant les révélations de Snowden, n’en avaient finalement pas conscience.

« Dans un de ces documents, un haut dirigeant de la NSA, responsable des relations avec les pays partenaires des États-Unis, explique d’ailleurs pourquoi le changement d’orientations politiques dans plusieurs pays, au terme d’élections générales depuis le milieu des années 2000, n’a finalement rien changé dans les liens entre la NSA et les agences de surveillance de ces mêmes pays. » Et la réponse est simple : le gouvernement du Canada peut être libéral ou conservateur, « le partenariat reste le même, parce que, en dehors des instances militaires et sécuritaire, personne d’autre au pays ne sait que ces liens existent », poursuit le journaliste.

« C’est la dimension qui me semble d’ailleurs la plus incroyable, dit Glenn Greenwald, qui soupçonne au passage les grandes entreprises de communication au Canada de nourrir ces programmes de surveillance, comme leurs homologues américaines. En matière de sécurité et de surveillance, les représentants du peuple, les instances démocratiques n’ont finalement aucune idée de ce qui se passe. Ces programmes ont été implantés sans possibilité de regard. Ils existent de manière isolée loin des responsabilités démocratiques. Et dans ce contexte, la démocratie finit par ne devenir qu’une illusion », conclut-il.

vendredi 3 octobre 2014

Les cowboys de la politique




Lise Payette
Le Devoir 

Ils parlent haut et fort, convaincus de détenir la vérité en tout. S’ils ont des doutes, ils ne les expriment jamais car ça pourrait avoir l’air d’être un aveu de faiblesse. La peur, sous toutes ses formes, est une alliée précieuse qui fait augmenter le thermomètre du stress vécu par des citoyens qu’il vaut mieux garder dans le désespoir que dans la joie. Écraser pour régner est une devise qui a fait ses preuves à travers le temps.

Ma question ce matin est « combien de stress des citoyens normaux peuvent-ils endurer avant de perdre la tête » ? Si on fait un petit tour de la planète en ce moment, on constate assez rapidement que ça éclate partout. Vous avez l’embarras du choix. Il y a quelques semaines à peine, les yeux du monde entier étaient tournés vers le sort qu’Israël faisait vivre à Gaza, semant la mort et la destruction massive sans que quelque autorité intervienne pour mettre fin à cette haine insensée qui n’a pas de fin.

Puis, le ton a soudainement monté du côté de l’Ukraine et les accusations portées contre la Russie dans ce dossier étaient assez graves pour alerter le monde entier. Le conflit est-il réglé ? C’est peu probable, et il a peut-être bien tout ce qu’il faut pour se rallumer d’un seul coup.

Comment est-ce seulement possible que l’extrême droite française, qui n’offre pourtant pas un comportement dont la France peut se glorifier, arrive à se frayer un chemin chez les électeurs et électrices ? La France est-elle tellement sous le stress devant les chiffres du chômage, devant l’avenir bloqué pour ses étudiants désespérés d’accéder un jour à une vie pleine et entière, qu’elle se jette dans les bras des apôtres de l’extrême droite, oubliant un passé pourtant porteur de bons conseils à ce sujet ? 

Les chiffres avancés sur les ravages de l’Ebola en Afrique font peur aussi. L’incapacité du monde entier de répondre rapidement aux besoins des peuples touchés est un désastre collectif. Devant l’évidence qu’il sera impossible de tout faire, comment partager les ressources disponibles avec justice ? Imaginez le stress de ces citoyens qui attendent une aide internationale qui n’arrive pas alors que la maladie continue ses ravages dévastateurs.

Comment partager adéquatement les ressources disponibles pour sauver l’Afrique d’une part et détruire les tueurs qu’on a nommés « État islamique » qui sèment la terreur en Irak et en Syrie, qui coupent la tête d’autres humains devant les caméras dans l’espoir de faire avancer leur cause grâce à la peur ?

Les citoyens de Hong Kong sont dans la rue pour réclamer que la démocratie à laquelle ils aspirent leur soit rendue par le gouvernement de Beijing. Ils sont nombreux et les Chinois ont la réputation d’être tenaces. Ils ont déjà tout vu, tout retenu, et ils ont une mémoire fabuleuse de leur propre Histoire. Juste à côté, les Japonais vivent la terreur des secousses sismiques, des éruptions de volcans, des tsunamis et des dangers que représentent encore les déversements des eaux des réservoirs des usines atomiques touchées par le dernier tsunami. 

Je n’ajouterai rien au sujet du Canada. Les Canadiens que je connais n’ont pas mérité le gouvernement qui sévit à Ottawa. Comme le Québec n’a pas mérité M. Denis Lebel non plus.

Vous aurez compris que je crois sincèrement que la politique des cowboys, où qu’elle se pratique dans le monde, est une politique dangereuse. De là ma question avec des mots plus simples : « combien de stress un être humain peut-il supporter avant de péter les plombs » ?

Au Québec, les puissants cowboys, au pouvoir depuis six mois dans quelques jours, ont volontairement fait monter le stress de la population. Entre le « serrez-vous la ceinture » et le « ça va faire mal » qu’on nous répète ad nauseam depuis des mois, je sens la moutarde qui monte au nez des citoyens qui commencent à se dire qu’ils n’ont jamais voté pour ça.

Les manifs sont commencées. Il y en aura d’autres. La commission Charbonneau déçoit, car elle donne l’impression de se terminer en queue de poisson et finit par semer le doute sur le fait qu’il pourrait y avoir des intouchables au pays du Québec et des « au-dessus de toutes les lois » comme si cela allait de soi. C’est un climat favorable pour la mauvaise humeur.

M. Couillard répète à qui veut l’entendre que « tout est sur la table ». Tout quoi ? Tout ce qu’on a gagné de peine et de misère ? Tout ce qui a été mis dans la poche de tellement de monde qu’on ne connaît toujours pas ? Tout l’argent des paradis fiscaux ou seulement celui du monde ordinaire qui voudrait bien joindre les deux bouts de temps en temps ? Nous avons passé l’âge d’avoir peur du Bonhomme Sept Heures.

vendredi 26 septembre 2014

Cacouna: Mario Beaulieu jette les gants [vidéo]

Projet d'oléoduc et de port pétrolier Énergie-Est


Mario Beaulieu, président du Bloc québécois, est grimpé sur le promontoire rocheux de Cacouna pour exprimer sa farouche opposition au projet de port pétrolier de TransCanada.
PHOTO: NICOLAS FALCIMAIGNE
CACOUNA — 
«Tout le projet de pipeline Énergie-Est est désavantageux pour le Québec, économiquement et environnementalement.»Mario Beaulieu, président du Bloc québécois, est monté sur le rocher de Cacouna pour observer les travaux de forage de TransCanada, en vue de l'installation d'un port pétrolier. Ce faisant, le nouveau chef réaffirme l'orientation prise par son parti à Rimouski ce printemps, à l'effet que le Bloc «prenne la tête de l’opposition au développement de l’industrie pétrolière».
Le nouveau chef du Bloc québécois a tenu à gravir le sentier de randonnée jusqu'au sommet du promontoire rocheux qui surplombe le port de Gros-Cacouna, où TransCanada entend construire un terminal pétrolier destiné à l'exportation du pétrole albertain. «Pour l'environnement, c'est un projet qui est complètement invraisemblable, s'enflamme Mario Beaulieu en pointant les barges de forage installées dans le fleuve en contrebas. Ici, c'est une pouponnière de bélugas, un écosystème extrêmement riche et fragile, alors c'est le pire endroit où on pourrait installer un port pétrolier.»



«Tout déversement ici serait catastrophique, entraînerait des coûts énormes simplement pour décontaminer, insiste-t-il, en ajoutant que l'intérêt économique n'y est pas. On nous dit que 200 emplois seront créés, mais ça va occasionner des pertes d'emplois dans les secteurs touristiques, pour ceux qui travaillent dans le Parc marin, dans le secteur agricole. L'économie du Québec est basée sur l'énergie renouvelable, l'avenir, alors que l'économie du Canada est basée sur le pétrole et l'industrie automobile.»

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C'est aussi l'avis de l'ancien premier ministre Jacques Parizeau, qui s'exprimait en fin de semaine dans le cadre du congrès destiNation: Nouvelles idées. Nouveau départ«Les intérêts du Canada et les intérêts du Québec sont totalement opposés, a-t-il illustré, précisant que le transport et les voies navigables sont de compétence fédérale. Voulez-vous bien me dire ce que ça représente comme intérêt économique, pour les Québécois, le tuyau qui va aller au port de chargement de pétrole à Gros-Cacouna? Une poignée d'emplois, presque rien. C'est tout automatisé maintenant. Il n'y a pas d'emplois là-dedans, il n'y a aucun intérêt. On n'a pas d'intérêt économique, et on prend tous les risques écologiques. C'est absurde.»

mercredi 10 septembre 2014

Lettre de Jean-Martin Aussant: Si j'étais militant péquiste


mercredi 10 septembre


Où que je sois, je garde un œil quotidien sur l’actualité québécoise. J’observe cette pré-course au PQ en me demandant si la suite des choses amènera un certain retour aux sources ou la disparition pure et simple de ce qui a déjà été quelque chose comme un grand parti.
Si j’étais militant péquiste, je chercherais minimalement les attributs suivants chez le prochain primus inter pares :
- Engagement de tenir un congrès de refondation auquel les souverainistes, tous partis confondus, seraient invités. Non pas un congrès du PQ ouvert à tous, mais bien un congrès de refondation duquel naîtrait un nouveau grand parti souverainiste avec des gens de tous les horizons et toutes les ressources regroupées en son sein. Parce que la majorité nécessaire au projet ne se trouvera jamais dans l’un ou l’autre des sous-groupes (gauche, droite, jeunes, vieux) mais seulement dans l’ensemble.
- Engagement de faire en sorte que le Québec perçoive tous les impôts payés sur son territoire, soit un rapport d’impôt unique. Parce que le Québec est le seul au Canada à en avoir deux, entrainant des dédoublements administratifs se chiffrant en centaines de millions de dollars chaque année. Souverainiste ou fédéraliste, la situation actuelle ne peut être souhaitée par qui que ce soit.
- Engagement d’utiliser les sommes annuelles ainsi épargnées pour instaurer, de la petite enfance au doctorat, la gratuité scolaire balisée. Parce qu’on peut expliquer aux romantiques que c’est la meilleure façon d’avoir une société plus responsable et équitable, et aux homo economicus que c’est la meilleure façon d’avoir une société plus riche et productive. La santé passe par l’éducation. Des finances publiques saines passent par l’éducation. La protection de l’environnement passe par l’éducation. La paix sociale passe par l’éducation. De bons élus aussi.
- Engagement de procéder à une réforme du mode de scrutin pour y ajouter une composante de proportionnalité. Parce le système actuel ne respecte pas le vote populaire dans l’allocation des sièges. Il faudra un jour se soucier de faire passer un principe démocratique de base comme la représentativité avant la volonté détestable de bénéficier d’une alternance qui a trop étouffé l’imagination, détourné la recherche de l’intérêt collectif et neutralisé le renouveau politique.
Si j’étais militant péquiste, je souhaiterais aussi qu’on ne redonne pas au même équipage le Costa Concordia. Les naufrageurs « entourageux » seront toujours bienvenus comme passagers, mais pas trop près de la cabine du capitaine.
Je m’inquiéterais certainement qu’on propose de repousser l’audace à un deuxième mandat alors qu’elle n’aura jamais autant de traction qu’en arrivant au pouvoir. Retarder l’audace, c’est ne pas en avoir. Reporter une urgence, c’est ne pas la reconnaitre. Je crois fermement que les convictions assumées peuvent encore faire gagner des élections.
Il y a certes un niveau de difficulté beaucoup plus élevé à vouloir convaincre qu’à simplement identifier ce que les gens veulent entendre a priori. Dans le premier cas, c’est du leadership. Dans le deuxième, c’est avouer tristement qu’un robot-sondeur pourrait être le plus grand des chefs.
Si j’étais militant péquiste, au fond, je voudrais simplement du vrai leadership. Y en aura-t-il ?
***
Ses quatre engagements m'ont l'air d'un plan de campagne.  À la chefferie ... s'entend. 

dimanche 7 septembre 2014

Le poids des mots

Harper ou la grenouille qui veut se faire plus grosse que le boeuf


mercredi 3 septembre


Lorsqu’il est question du président Vladimir Poutine et des coups de boutoir russes en Ukraine, le premier ministre Stephen Harper aime durcir le ton. « Gestes agressifs, militaristes et impérialistes », « menace significative à la paix et à la stabilité mondiale », menace comme on n’en a « jamais vu depuis la fin de la guerre froide ».
Citant les sanctions imposées et l’aide apportée à l’Ukraine, le ministre des Affaires étrangères, John Baird, tient à répéter qu’« aucun autre gouvernement ne s’est opposé avec plus de force et plus vigoureusement à l’agression russe en Ukraine » que celui du Canada.
Les deux hommes aiment se présenter comme les héritiers de cette tradition canadienne qui veut qu’en situation de crise grave, il n’y ait pas place pour les louvoiements. Le Canada a ainsi répondu présent pour combattre les « grandes menaces contre l’humanité » comme le militarisme, le fascisme, le communisme et le terrorisme, énumérait M. Harper en mai dernier. « Autrement dit, les Canadiens ont toujours été prêts à porter leur part du fardeau afin de défendre notre liberté et les valeurs que nous partageons avec nos frères et soeurs humains »,ajoutait-il.
Or, le ministre Baird n’a pas hésité à comparer l’invasion de la Crimée, en mars dernier, à celle d’une partie de l’ancienne Tchécoslovaquie par les forces hitlériennes en 1938.
Dans ce contexte, le sommet de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), qui se tiendra en Grande-Bretagne jeudi et vendredi, peut représenter un double test pour le gouvernement Harper. La hausse des budgets de défense des 28 pays membres sera remise sur la table, la Grande-Bretagne et les États-Unis étant toujours les seuls à respecter l’objectif de 2 % du PIB (le Canada dépense environ l’équivalent d’environ 1 % de son PIB).
Plus chaud encore seront le dossier ukrainien et le  de « quelques milliers d’hommes », que pousse avec énergie le secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, dans le but de calmer les ardeurs de la Russie.
Cette proposition a pris une importance accrue depuis la confirmation de la présence de troupes russes sur le territoire ukrainien. Le président ukrainien, Petro Porochenko, parle maintenant du danger de vivre une « grande guerre » comme l’Europe n’en a plus vu depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Rien pour calmer les esprits, le président russe, Vladimir Poutine, est allé évoquer la nécessité de discuter d’un « statut étatique » pour l’est de l’Ukraine, dans les régions contrôlées par les rebelles. De plus, Moscou a fait savoir qu’il réviserait sa doctrine militaire si l’OTAN allait de l’avant avec cette force d’intervention rapide basée à sa porte.
L’OTAN a déjà une force d’intervention rapide de 13 000 hommes, mais ce qui est sur la table à ce sommet est la création d’une force expéditionnaire pouvant être déployée en 48 heures dans les pays de l’Europe de l’Est qui sont membres de l’Alliance et qui craignent que le conflit ne déborde chez eux.
On ignore quelle réponse le premier ministre Stephen Harper compte donner à cette requête. En avril, il avait accepté un premier appel pour rassurer les pays limitrophes. Depuis, quatre CF-18 patrouillent au-dessus des pays baltes, environ 500 soldats sont sur le terrain et un navire sillonne la mer Noire.
Mais est-il prêt à en faire plus pour soutenir l’OTAN et surtout à s’engager dans une mission dont il ne connaît pas la fin et qui pourrait être coûteuse ?
Dans le communiqué que son bureau a diffusé pour annoncer son voyage, on se contente de dire qu’au sommet, « le premier ministre insistera sur l’engagement inébranlable du Canada envers l’Alliance et sur la nécessité de réagir avec vigueur et de manière coordonnée aux efforts russes visant à déstabiliser l’Ukraine, à en miner la souveraineté et l’intégrité territoriale ».
Il n’est pas plus loquace sur la question des dépenses, bien qu’il serait étonnant que le Canada accepte de les augmenter. À son arrivée au pouvoir, ce gouvernement a accru les budgets de la Défense pour ensuite ralentir le pas. De 2011 à 2015, ils devraient diminuer de 2,7 milliards. Le dernier budget annonçait par ailleurs un report de plusieurs projets d’achat d’équipement.
Pour ce qui est de la force d’intervention rapide, il semblerait qu’il ait manifesté de l’intérêt, écrit le Financial Times. Difficile de faire autrement. M. Harper a parlé haut et fort jusqu’à présent, au grand plaisir de la communauté canado-ukrainienne. Sa réponse nous dira s’il cherchait avant tout des votes ou s’il y croit assez pour passer des gestes à la parole. (Ce qui ne le dispense pas de demander l’avis du Parlement et, par ricochet, des Canadiens puisque participer à cette brigade peut mener, si les choses dégénèrent, à des combats et possiblement des morts.)
Se tenir à l’écart enverrait une image d’incohérence en matière de politique étrangère qu’il préfère attribuer à ses adversaires. Plonger risquerait en revanche de faire gonfler la facture militaire et de mettre en péril l’atteinte de l’équilibre budgétaire dès 2015, année électorale.
***

Je cite madame Cornellier : " Le président ukrainien, Petro Porochenko, parle maintenant du danger de vivre une « grande guerre » comme l’Europe n’en a plus vu depuis la Deuxième Guerre mondiale."

Ce pourrait-il que le président ukrainien,  Petro Porochenko, soit aussi sinon plus menteur que ses maïtres à  penser?